Cet ingénieur de formation, inventeur prolixe et efficace a créé de ses propres mains un aéroplane à moteur qui s’est avéré être le premier « plus lourd que l’air » à avoir quitté le sol, le 9 octobre 1890. Outre ses qualités de pionnier, Clément ADER s’est aussi révélé être un théoricien visionnaire ainsi que l’inventeur du mot avion.

La jeunesse…

Le 2 avril 1841 naissait à Muret, près de Toulouse, Clément Ader, fils d’un charpentier. Excellent élève au pensionnat St Joseph de Toulouse, notamment en mathématiques et dessin, il se livra dès 1855 à diverses activités aériennes : essais de cerfs-volants, et même de coccinelles entravées ! Entré en 1856 à l’Institution Assiot de Toulouse, il y décrocha l’année suivante son baccalauréat ès-sciences à 16 ans. Il y fit partie de la première promotion de l’Ecole Industrielle sortant ingénieur diplômé en 1860.

L’inventeur

Sa curiosité naturelle alliée à sa solide formation d’ingénieur vont faire de lui un inventeur prolifique : employé par la compagnie des Chemins de Fer du Midi, propriété du financier Emile PEREIRE, il dépose un premier brevet pour une machine à relever les voies de chemins de fer puis un deuxième pour un système de chemin de fer amovible, avec maquette à la clé. Après son départ de la Compagnie en 1866 il exerce ses talents d’inventeur dans divers domaines: système de voie ferrée destiné à l’Algérie, brevets pour des roues caoutchoutées “ Véloce ” destinées aux vélocipèdes, wagons à chenille, dispositif de fixation pour tuiles plates de toiture, câbles sous-marin, hydroglisseur et même le premier moteur à explosion en V. Établi alors à Paris il dépose un brevet sur le téléphone et invente la stéréophonie (« théatrophone ») afin d’écouter depuis son domicile les spectacles donnés à l’opéra de Paris.

Développement de l’aéroplane

Sensibilisé aux choses de l’air par ses expériences de jeunesse avec les cerfs-volants, il propose, sans succès, en 1870, d’en développer une version militaire destinée à l’observation. Poursuivant ses efforts, il construit ainsi en 1873 un planeur de 20 kg en bois creux et plumes d’oie. Attaché au sol par 4 câbles via des dynamomètres, il réalise, à 1,5 m de haut, les premières mesures de traînée au monde, dans le vent d’autan. Il en déduit une finesse de 10, et la nécessité d’avoir un moteur ne pesant pas plus de 8 kg/ch pour voler. Il démarre dès lors l’étude du moteur à vapeur de 12 ch nécessaire au vol, un quatre cylindres de 23 kg, soit 6,4 kg/ch pour l’ensemble (chaudière, condenseur…). Fabriqué en 1884, le moteur est essayé en 1885 avec succès. Il procède à de nombreux essais pour le carburant : charbon de bois, huile, pétrole, alcool méthylique, avant de sélectionner ce dernier. Observateur attentif du vol animal, il s’inspire de la chauve-souris pour construire l’Eole un appareil ailé en bambou et toile de lin, remarquable à plusieurs points de vue : non seulement décrivait-il ses nouvelles solutions par rapport au planeur, avec gauchissement de l’aile et son repliement, couplage gouverne de direction/roulette arrière, hélice à pas variable automatique, mais aussi la nomenclature avec “ aviation ” et “ aviateur ”. Le 19 avril 1890, Clément Ader dépose un brevet relatif à « un appareil ailé pour la navigation aérienne dénommé Avion« . Sa première démonstration a lieu le 9 octobre suivant, sur une piste de 200 mètres que le banquier Gustave Pereire a fait aménager pour lui dans le parc de son château d’Armainvilliers, en Seine-et-Marne. Ader met le moteur de l’avion en route et très vite, les soubresauts de ses roues cessent, Éole s’élève de 20 cm au-dessus du sol sur une distance de 50 mètres. Le décollage du « plus lourd que l’air » est ainsi réalisé pour la première fois au monde. Ader reçoit alors le soutien du ministère de la Guerre.

Une seconde démonstration a lieu l’année suivante au camp militaire de Satory, près de Versailles. Mais le vent déporte Éole II qui est détruit. De nouveaux essais ont lieu les 12 et 14 octobre 1897, à Satory avec un nouvel appareil, bimoteur. Éole III parcourt quelques centaines de mètres, prend de la vitesse, les roues quittent sporadiquement le sol. Mais les conditions météorologiques sont mauvaises et Éole III sort de la piste, comme l’avait fait Éole II. Le constat est néanmoins établi de la disparition des traces de roues sur le sol sur 300 mètres, preuve d’un très réel décollage de l’avion. Malheureusement la réalité de ces vols lui aura longtemps été contestée d’une part parce que les seuls témoins étaient directement impliqués, donc partiaux, et d’autre part parce que ces vols étaient couverts par le secret militaire, c’est à dire classifiés.

Théoricien et visionnaire :

Début 1909, il publie l’historique et prophétique “ L’aviation militaire ”, plaidant pour un ministre de l’aviation, une industrie et une armée de l’air fortes. Plus techniquement, il décrit trois types d’avions militaires, les avions de ligne (chasseurs), les torpilleurs et les éclaireurs (reconnaissance). Il envisage les escadrilles et le vol en formation et décrit même le viseur de bombardement. Pour l’armement des avions, il étudie des “ torpilles de terre et de mer ”, ces dernières biseautées pour infléchir leur trajectoire sous l’eau avant de percuter les navires perpendiculairement à leur coque. Il invente aussi le concept du porte-avion: « Un bateau porte-avion devient indispensable. Ces navires seront construits sur des plans différents de ceux usités actuellement. D’abord, le pont sera dégagé de tout obstacle ; plat, le plus large possible, sans nuire aux lignes nautiques de la carène, il présentera l’aspect d’une aire d’atterrissage. Le mot atterrissage n’est peut-être pas le terme à employer, puisqu’on se trouvera sur mer, nous lui substituerons celui d’appontage. ».

Il conclut magistralement son ouvrage par ces mots:  “ Celui qui sera maître de l’air sera maître du monde